Comptabilité Écosystémique du Capital Naturel
Bien que le terme « capital naturel » fut utilisé pour la première fois en 1973, ce n’est qu’en 2013 que la Commission Statistique de L’ONU adopta le principe d’une comptabilité environnementale et donna son aval pour l’implémentation de la Comptabilité Écosystémique du Capital Naturel (CECN).
Le capital naturel peut être défini comme le stock de toutes les ressources dans un espace défini (il s’agit en général d’une région ayant un écosystème spécifique tel le delta d’une rivière), ou d’un territoire défini politiquement comme un département ou un pays, qui permettent toute subsistance, en rendant des services dits écosystémiques, desquels dépendent les économies comme les sociétés. Sans services écosystémiques tels que l’eau non-polluée ou les sols fertiles, aucune société ou économie, locale ou globale ne pourrait exister.
Les services écosystémiques
Il y a quatre catégories (fonctions) de services écosystémiques :
– Les services de régulation (Ex. la formation des sols ou la régulation climatique), sont les contributions aux écosystèmes.
– Les services d’approvisionnement (Ex. les carburants et la nourriture), sont les contributeurs directs de la subsistance humaine.
– Les services de soutien (Ex. la purification des eaux,), participent au maintien d’un ou des écosystèmes.
– Les services socioculturels (Ex. la beauté des paysages ou les aires naturelles de loisirs), sont des contributions intangibles au bien-être de l’humanité, à sa sécurité et à la cohésion sociale.
Avec la mise en place de l’Économie des écosystèmes et de la biodiversité (TEEB) ; voir ci-dessous, les catégories de services de « régulation » et de « soutien » sont souvent fusionnées.
Pourquoi le CECN ?
Le plus important défi en termes de durabilité est de changer les mentalités qui prennent la stabilité des écosystèmes pour acquis, assument que leurs capacités à absorber et traiter les polluants sont illimités et que les services qu’ils rendent se maintiendront éternellement. “L’erreur” est de ne pas comptabiliser les valeurs de ces services écosystémiques ne sont donc pas pris en compte dans les processus de décisions économiques. Afin d’encourager le développement durable, la Wealth Accounting and Valuation of Ecosystem Services (WAVES), un partenariat mondial initié par la Banque Mondiale, encourage l’inclusion du capital naturel dans les plans de développement ainsi que l’adoption du Système de Comptabilité Nationale (SNA).
Système de Comptabilité Économique et Environnementale (SCEE)
Le Conseil de Sécurité des Nations Unies a défini deux méthodes de comptabilité des écosystèmes. Le Système Central de Comptabilité Économique et Environnementale (SEEA – CF) et le Système Expérimental de Comptabilité Économique et Environnementale (SEEA-EEA). En résumé, le système central (aussi système-cadre) est un standard international de statistique qui mesure les différents actifs de l’environnement, tels que les ressources en eau, le stock de poissons etc ; comment ceux-ci contribuent aux économies. Il mesure aussi les flux et reflux, en valeurs monétaires, générés par les activités économiques liées à l’environnement. Les flux étant les contributions directes de la nature aux activités économiques, les reflux étant les dépenses et investissements envers la protection ou la restauration de services écosystémiques. Quant au système expérimental, il tient compte de l’ensemble d’un ou des écosystèmes et démontre les contributions aux économies de leurs services.
Le Système Central de Comptabilité Économique et Environnementale (SEEA – CF) couvre les services ayant de la valeur marchande, soit ceux des catégories « approvisionnement » et « socioculturels », qui peuvent ếtre incorporés dans le Système de Comptabilité Nationale (SNA). La difficulté demeurait de l’inclusion de ceux des catégories « de « régulation » et de « soutien ». D’où la mise sur pied d’une structure complémentaire, le Système Expérimental de Comptabilité Économique et Environnementale (SEEA-EEA), introduit en 2006.
Sous l’EEA, les actifs écosystémiques sont des ensembles délimités spatialement, avec des composantes biotiques et abiotiques fonctionnant comme une unité. Ils sont mesurés par leur étendue et condition et par l’ensemble d’un panier de services « finaux » qu’ils devraient fournir sur une période future. (Source “Managing Coasts with Natural Solutions” technical report January 2016).
Le SCEE dans son ensemble est capable de démontrer les impacts des activités économiques sur l’environnement par le biais de leur consommation de ressources telles que l’énergie, l’eau, les minéraux et de calculer si ces activités sont durables ou pas. L’ensemble des activités seraient considérées durables lorsque les écosystèmes sont capables de se régénérer soit naturellement (souvent par la contribution d’autres écosystèmes), soit par l’intervention humaine. Lorsque par les standards de la comptabilité écosystémique, les services écosystémiques se détériorent, diminuent ou tarissent en raison d’exploitations inappropriées ou excessives, au point ou les écosystèmes eux-mêmes se dégradent ou s’épuisent, le modèle est considéré instable.
L’application de la Comptabilité Écosystémique du Capital Naturel
La comptabilité peut s’appliquer à une activité spécifique, à une région ou aux deux à la fois. La CECN permet donc d’évaluer les contributions nettes :
– d’une activité globale (Ex. l’extraction de charbon pour l’électricité dans le monde), où la Méthode de Fonction de Production pourrait être la plus adaptée,
– d’une région spécifique (Ex. la forêt de mangroves du Pichavaram en Inde),
– d’un projet spécifique (Ex. la construction d’un barrage supplémentaire sur le Mékong). Dans ce cas, la Méthode du Coût de Remplacement pourrait être utile à évaluer les coûts de remplacer les services que les écosystèmes endommagés ne rendraient plus. Ces coûts seraient déduits des apports direct du barrage.
– Sur un champ plus vaste, l’utilisation des SNA & SEEA permet l’évaluation de la performance économique d’un pays, de façon bien plus complète et réaliste que ce que pourrait révéler l’exercice du PIB. En 2010, la Convention sur la Diversité Biologique (CDB) a décrété que les valeurs écosystémiques et les valeurs de la biodiversité devront être incorporés dans la comptabilité nationale de tous les pays à partir de 2020.
Économie des écosystèmes et de la biodiversité (TEEB)
L’Économie des écosystèmes et de la biodiversité (TEEB) a pour objectif principal d’intégrer les valeurs de la biodiversité et des services écosystémiques dans les prises de décisions à tous les niveaux. Dans un rapport datant de 2013, cet organisme a évalué la production ainsi que les transformations primaires (soit la transformation de l’énergie solaire en matière organique par photosynthèse, puis les productions par ces organismes), à $ 7,3 trillions / an. En 2014, une autre étude révéla que la valeur totale de tous les écosystèmes de la planète s’élèverait à $ 124,8 trillions / an, soit le double du PIB mondial. Source : https://naturalcapitalforum.com/about/).
CECN à l’Ile Maurice
Le mauriciens ont l’honneur de compter parmi eux une pointure de la sphère de la comptabilité du capital naturel en la personne de M. Sanju Deenapanray de la société Ecological Living In Action.
Avec la participation d’autres experts, Ecological Living In Action a mis au point sa propre méthodologie permettant de comptabiliser les réductions (ou augmentations) de capitaux naturels par le biais du calcul des coûts de restauration des écosystèmes et/ou de compensation des dégradations ou diminutions des services naturels. Par exemple, le coût d’un projet d’hôtel nécessitant le comblement d’un marécage comprendrait, en sus des coûts directs de construction et du comblement, les coûts de la construction de nouveaux drains et/ou celui de palier aux risques d’inondations ainsi que ceux des dégâts causés à l’écosystème du lagon qui engendreraient à leur tour :
– la compensation de la baisse des recettes de la pêche dans ce lagon et / ou les coûts engendrés pour la restauration du stock d’espèces aquatiques,
– les travaux à prévoir pour la prévention de l’érosion,
– la perte d’intérêt touristique pour la région voire de la destination,
– la réduction de contribution au bien-être de la population locale de par la dégradation esthétique visuelle.
Avec la mise en place de « l’Économie des écosystèmes et de la biodiversité » (TEEB) ; voir ci-dessous, les catégories de services de « régulation » et de « soutien » sont souvent fusionnées.
Ecological Living In Action avait initié un exercice de comptabilité écosystémique expérimentale, calculant la valeur initiale du capital naturel de l’Ile Maurice en 2010. Une réévaluation eut lieu en 2014, faisant paraître une dégradation significative, due principalement par la conversion de terres à des fins d’urbanisation.
mru2025 a l’honneur de patronner l’exercice de réévaluation de 2020, dont les résultats sont attendus pour octobre de la même année. mru2025 a mis en place un comité technique dont la tâche consiste à superviser et piloter le déploiement d’une comptabilité économique et environnementale de deuxième génération à l’Ile Maurice. Cette structure permettra de fonder le pilier des actions de mru2025 dans la gestion, la conservation et la restauration des zones côtières de l’Ile Maurice. mru2025 est d’ailleurs à la recherche de compétences et fait appel à tous ceux ayant un intérêt ou une expertise dans le domaine de la gestion d’écosystèmes de se porter volontaire à participer à ce groupe de travail.